Day 13
Le matin, tout le monde était sur le pied de guerre. Premier réveillé, je me rend dans le salon (ma chambre s’ouvre dessus en même temps, c’est pratique) et je vois avec des petites boites de polystrirene sur la table. Cela ne peut signifier qu’une seule chose : natto ! Autant les prunes au vinaigre, je m’y fais. Les navets cuits dans la sauce soja, le tofu, passons, … Mais les nattos, c’est la seule chose que je n’ai pas pu finir au pays du sushi levant. On a juste l’impression de manger un pied qui a marché 30 km…
Par chance, je la vois préparer d’autres choses, donc je pense que ce ne sera pas obligatoire. Les filles se lèvent, le vieux monsieur japonais qui dormait en haut aussi, tout le monde se rejoint et on attaque à manger. Puis la propriétaire ouvre une boite de natto … Elle propose au vieux monsieur qui refuse, me demande si j’en ai mangé, je répond oui oui, si j’en veux, je répond non non ! Épo et morgane sont des aventurières, elles testent. La dame avait mit tout un paquet de truc dedans, pour attenuer le goût, et après l’horreur que je leur avais promis, la première bouchée ne semble pas les incommoder. Elles me disent même que ça va ! Surpris, je me demande si je ne vais pas y regouter, pour être sûr. Mais elles attaquent une deuxième bouchée, et ce sera tout. Elles me disent que ça sent le pied, que ça à le goût de l’odeur, et que c’est pas top. La petite boite restera ouverte sur la table, et je plains la poule qui recevra ça en guise de repas …
On se rend ensuite sur le chemin, pour entamer l’ascension du temple 27, tout là haut. Heureusement, on peut déposer nos sacs chez une dame en bas. le coeur léger, les épaules plus encore, on attaque la grimpette. Une petite pente, sur une route peu empruntée, au milieu des montagnes, la mer à l’horizon… parfait. Le temple en lui même est une petite merveille, les couleurs de l’automne, les buissons taillés en formes géométriques, l’eau qui s’écoule doucement, … Après mes prières, on se rend pour un temple shinto, qui se trouve être le temple secondaire du temple 27 (là, c’est 2 religions complètement différentes qui oeuvrent ensemble, pas un prophète commun, nib !). L’endroit est mystique, prenant, intense même. J’avais regreté lors de mon premier tour de ne pas être allé là haut, et j’ai bien fait d’y aller cette année. Les arbres sont gigantesques, sacrés pour la plupart, les branches formant comme des côtes humaines, pour aller chercher le soleil. Les escaliers centenaires, hauts, couverts de mousse, le temple en lui même très imposant pour un temple shinto, tout était beau !
On est ensuite allé se ballader en forêt pour trouver une tour, qui offre une vue à 360 degrés. Quelques minutes plus tard, nous voici en train de contempler les jours d’avant, et les jours à venir, en analysant le paysage, les villes, les caps. Une petite pause chips, et nous voilà de nouveau sur les chemins, pour redescendre tout ça.
On se laisse aller à manger le déjeuner sur la plage, puis on profite un peu du bois flotté et des galets ronds (qui font gorogoro comme bruit au milieu des vagues vous diront les japonais). J’essaye d’étaler un peu le bronzage, mais rien à faire, les bras et le visage sont bruns très foncés, le ventre et les jambes sont blancs très blancs !
On se dirige enfin vers notre hutte pour la nuit. En arrivant, on remarque un léger problème. L’absence de hutte. Elle a été emportée par les typhons. On marche encore un peu, les filles n’en peuvent plus, alors on prend un bus. Il nous pose dans une ville, pleine de huttes, toutes nulles. La moins pire n’est pas commode, mais on s’y installe. Alors que la nuit est bien tombée, que le repas est terminé, et que Épo commence à nous construire un palace avec 2 ficelles et un bout de toile, on remarque un cafard qui mange le reste du riz tombé par terre, en train de se battre avec des fourmis. C’en était trop, on prend le train pour quelques gares plus loin, avec une hutte officielle dans un endroit pas trop mal. On se réinstalle, sans cafard, pour une nuit de sommeil bien méritée.
Day 14
Je me suis endormi la tête contre le vent. L’air frais qui passait par l’ouverture du sac de couchage m’ont fait passer une nuit agréable, ni trop chaud, ni trop froid ! Je me lève doucement, sans trop faire de bruit, et je prends mon petit déjeuner, alors que les filles émergent. Ce sera notre dernier moment ensemble, mais je ne le sais pas encore. On avait rendez vous vers 13h au temple numéro 30. Elles par le train, moi par la marche. Épo me propose un café. Je l’accepte volontiers, ne me souvenant pas trop de la journée à venir. Je marchais avec Susan, l’allemande, et on avait fini par se perdre dans Kochi, donc cette journée avait un arrière goût amer. On verra bien. Au revoir les filles, bonne continuation, on se voit cet aprem pour aviser de la suite.
Le depart donne le ton, ce sera agricole. Toute la matinée, je traverse des champs, de riz, d’oignon, de ciboulette, de gingembre, de cosmos, … Le soleil fait bien éclater les couleurs, et le cheminement loin des routes nationales est plaisant. Le premier objectif de la journée est le temple 28. Je n’avais pas trop de souvenirs par rapport à ce temple “d’avant ville”, et pourtant, il était beau comme tout. Cerise sur le gâteau, je l’avais pour moi tout seul. J’ai pu donc diriger toutes mes prières vers un couple d’ami très cher, pour qui le 28 signifie beaucoup, et faire ma calligraphie dans un petit jardin fort sympathique.
Le deuxième objectif de la journée s’est imposé de lui même, trouver des toilettes ! Une heure plus tard, je trouve une hutte mignonne comme tout, avec un wc portable, … et un nid de frelon plutôt mécontent de ma venue … Les toilettes attendront un peu, une superette plus loin. Je trouve une connection internet pour lancer un article sur le blog et une série de photo sur instagram, et je repars pour le temple 29. La encore un super temple, qui me revient en passant le portail. Une grande allée bordée de résineux, des personnes qui me sourient, un qui souffle dans un coquillage, et pas le temps de m’installer pour mon rituel que je deviens une attraction. Une vieille dame me montre des sakuras d’automne, assez rares, mais moins beau que ceux qui déplacent les foules au printemps. Après m’avoir indiqué les plus beaux spots pour réussir ma photo, elle me laisse vaquer à mes occupations, jusqu’à ce que, une minute après, un tout tout vieux monsieur me demande de le suivre. il me montre un arbre, et donne un nom japonais. Je dis “oh!”, puis il insiste, alors je regarde, et je vois un champignon sur le tronc. Je lui redis le nom japonais, et il parait très satisfait. Alors je fais OOOoooh ! Mais je ne sais pas ce qu’il me voulait avec ce champignon. Il a disparu avec le souffleur de coquillage.
Je me remet sur la route, et retrouve le bonheur de marcher seul. Non pas que la compagnie de deux jolies filles me déplaise, mais comme avec Susann, ou les autres rencontrés sur le chemin, à un moment donné, seul, c’est là que tu apprécies le plus le cheminement. Les pensées parasites s’estompent peu à peu, il n’y a plus que la clochette, le poc du bois sur le bitume, les sensations de pieds qui hurlent et de dos qui se tord (ya pas que du positif on est d’accord). Mais il y a aussi l’attention au présent, au monde autour. On ne se concentre plus sur les pieds, sur les histoires de voyages autour du monde que l’on avait. On sait quand on nous suit, comment arranger les conducteurs pour ne pas trop les déranger et récolter des remerciements, sourire aux passants, sans forcément un bonjour quand on voit que ce n’est pas le cas, mais sourire toujours. Et alors tout prend sens. On touche à l’essentiel. Nul besoin de plages ou de sommet enneigés pour trouver le beau. Nul besoin de Chopin pour se ravir les oreilles. Juste le monde tel qu’il est.
J’arrive au temple 30 avec un poil de retard. On s’était donné rendez vous entre 13h et 14h, et il était 13h10. Je ne vois cependant personne, alors je fais un tour par un temple shinto juste à côté, et je reviens pour le rituel du temple. On salue, on se nettoie au bassin avec une coupelle la main gauche, puis la droite, puis la bouche, puis re la gauche, puis la anse. La cloche (j’adore la cloche). On allume une bougie, puis 3 batons d’encens, le talisman, la petite pièce, le sutra du coeur, le nom de daishi. On remercie. La même au temple de Kukai sauf qu’au lieu des sutras, je visualise les personnes qui me sont chères et je les imagine sourire, en demandant à Kukai de garder ce sourire le plus longtemps possible. Puis la calligraphie.
Toujours pas de filles. Une personne me donne un sac entier de mandarine ! Je savais qu’il ne fallait pas attendre au temple, ou alors il faut acheter un deuxième sac ! Je vois mes deux potes jap. Je distribue les mandarines. Je leur donne mon plan pour ce soir, et je déclanche un fou rire quand je dis qu’au téléphone, je prend une réservation, avec ou sans repas, je dis que je suis tout seul et que j’arrive vers telle heure, que je suis ici actuellement, et mon prénom. Si ils ont d’autres questions, je répond okay okay okay okay ! Je vais me retrouver avec une voiture un jour, ou un accessoire insolite dans ma chambre, si si, vous avez demandé un poisson rouge dans une contrebasse au téléphone ! Ils décolent pour Kochi, ville que je voulais justement éviter. C’est pour cela que j’avais réservé à l’hotel CHRES, calibré à 12000 yens sur trip advisor… J’avais prévu dans le budget un hotel cher, donc pourquoi pas celui là, il est sur le chemin en plus.
Un japonais arrive, avec un sac aussi gros que le mien, en mode camping donc, et ils sont très rares les japonais à choisir ce mode de pèlerinage. Je l’appelerais camping jap si on le recroise Je distribue les mandarines, on discute un peu, il m’offre un café tiré de son thermos, puis je démarre. L’hotel m’avait demandé d’arriver avant 15h, il est 14h10, et j’ai 4km4 à faire. L’hotel est bien là, massif, les voitures sur le parking annoncent la couleur ! Les portes coulissantes coulissent, et là … Un palace ! Moquette aux motifs brodés, mobilier d’hotel particulier parisien, Bach dans les hauts parleurs… Je crois que c’est la première fois de ma vie où j’ai honte d’entrer quelque part. J’ai marché 8 h en plein soleil, sans ombre ou très peu. Je n’ai pas pris de douche de 2 jours. Mais bon, j’entre. Les 3 personnes de l’accueil se baissent synchro pour me souhaiter la bienvenue, et on se plie en 4 pour m’expliquer, en anglais, les horaires de bain, la machine à laver, l’heure à laquelle on mettra ma chambre en mode dodo, … On me donne un petit ossetai, et on me montre pourquoi il fallait arriver tôt. Tea time dans le hall d’entrée, avec petites patisseries pour accompagner ! Et cerise sur le gâteau, il y aura des prix Henro marcheur ! Ma chambre est proprement énorme pour le Japon, avec baignoire et WC séparés, petit salon et “balcon” ! Onsen avec jet, et crème hydratante pour le visage, bouton dans les couloirs pour passer de Bach à Chopin, personnel qui anticipe ton avancée pour appeler l’ascenseur avant que tu arrives… Un roi pour un soir ! Il se trouve que les filles n’ont pas eu mon invitation à me rejoidnre à temps, et qu’elles affronteront l’orage dans une hutte. Je me sens un peu coupable, mais que voulez vous. Shikoku donne, Shikoku reprend.