Jour 35 Là, ça fait beaucoup



La planification était ardue, je dois l’avouer. Le couple de français aura eu la même réflexion que moi. Aujourd’hui, soit on fait les petits bras, et on reste gentils, soit on pousse un peu. Et bien, on pousse un peu. En gros, il n’y a pas trop de places pour dormir dans le coin, deux hôtels seulement, pas de trucs gratuits, pas même d’abri bus confortable. Alors va pour le grand jour. Après les chants, le sermon du matin c’était sur les personnes que l’on ne remerciait pas assez (le prêtre a perdu sa femme il y a deux ans et ne s’est pas rendu compte qu’il ne l’avait pas remercié pour les repas), sur le fait que le henro c’est pas un coup de calligraphie mais bien ce que l’on ressent pendant le voyage (mention spéciale pour les tsuyados a t’il ajouté à notre égard, un jeune japonais et moi) et sur le fait que l’on traite encore des êtres humains différemment suivant où ils sont nés. 



Bien inspiré par tout ceci, mais un peu dépité que cela ait duré si longtemps, je retourne dans la chaufferie où je dormais pour prendre mon sac et tracer mon chemin. Je souhaite un bon courage pour mon ami japonais car il a deux tendinites qui ne font pas rire du tout. Je sais ce que c'est de marcher avec cette douleur, en attendant qu'elle devienne insupportable ou qu'elle s'estompe.
 Le temple 59, facile à trouver, je suis à l’heure dans le programme tout va bien. Et puis, on arrive au moment tant attendu du bangai 10, qui est sensé se trouver à quelques kilomètres seulement du sentier officiel. Mais on se souvient tous, les bangais, c’est pas les mieux fléchés. Et pour le coup, après 1,5 km, plus rien, débrouille toi.





 Plus rien, pas une flêche, pas un panneau, rien. Le problème de ma carte, c’est que les petites routes ne sont pas marquées. Tout le  jeu consiste à se dire : c’est petit comme route ou c’est blanc, ou vert, ou jaune ou même marron ! (bleu on a pas le droit c’est autoroute) Et bien pas de chance, ma montagne c’était pas la bonne. Tout partait bien. Un panneau avec le kanji “temple”, la montagne qui part vers l’ouest le chemin, tout ! Sauf que le temple est en ruine, et que je me suis planté. Donc redescente, puis demande à une dame qui comprend rien et qui me pointe le nord (le temple était au sud, sud ouest), remarche un moment, trouve plus personne, et je me demande si je persiste où si les bangais c’est fini, parce que je rappelle qu’il n’y a pas foule de lieu où dormir. 


C’est avec l’énergie du désespoir que j’avance, espérant me rapprocher, quand je croise un facteur qui me confirme que c’est un peu plus loin sur mon chemin. Enfin. Et pour me récompenser de mon effort, ce temple est superbe. Les couleurs sont belles comme tout, le temple est un refuge pour les chiens errants ou battus, qui se baladent avec le chasuble du henro. Le seul truc, c’est que j’étais le seul pèlerin. Tous les autres sont là pour prendre des photos. Et attention, ça prend des photos. Certains sont couchés sur le sol pour avoir le meilleur angle. Je me lasse donc assez vite de ce nouveau champs de foire, et je reprend la route.



Le bangai 11 est l’opposé du 10. Facile à trouver, tout petit, personne. Mais personne. L’histoire voulait que Kobo Daishi aurait trouvé un grand magnolia de plusieurs siècle et aurait gravé une figure divine pour guérir les gens du choléra. Seulement voilà, le magnolia il est mort. Donc plus personne ne vient ici, sauf les 3 pèlerins qui font les bangais. Quand vous sonnez pour la calligraphie, le type il vient du bâtiment d’en face, pour vous dire s'il a souvent de la visite.



Après un ultime effort, mais avec l’énergie bien plus saine de la volonté ce coup-ci, et non du désespoir, je rejoins mon hôtel. Excellent repas, excellent service. Je me sens d’attaque pour deux jours épiques. Non pas que les 40 km d’aujourd’hui sont à négliger. Mais là, j’attaque l’un des 7 sommets sacrés du Japon, 2200 m de dénivelées positives le premier jour, et 1300 le deuxième. Je me sens bien, le temps est avec moi, je vais taquiner les nuages et méditer avec les moines zen. Ça me changera du Shingon. Kukai me pardonnera sûrement de lui être infidèle.



Pas de news bientôt pour vous je pense, mais je serais de retour, comptez là dessus !
















A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *