Les japonais vous le diront : samoui ! Il fait pas chaud, c’est le moins que l’on puisse dire. Vu l’humidité qui régnait dans la pièce j’ai placé mes affaires dans le poncho de pluie, et je me suis “tarpé” en intérieur. J’ai bien fait. Pour vous dire, j’ai oublié de protéger le chapeau, je pouvais essorer les lanières. De quoi vous faire traîner le matin, parce que pas envie de quitter le sac de couchage. Mais pas envie du tout ! Je m'étais préparé pour partir aux premières lueurs du jour, mais j’ai entendu deux trois fous monter les routes de montagne pleine bourre, je me suis dit que d’attendre le soleil sera plus profitable. Alors grasse mat’ jusqu’à 6h30 !
Puis départ, et pour la première fois, je marche avec les gants, le bonnet et la polaire. D’un coup d’un seul, vous ne regrettez absolument pas de les avoir emportés. Le jour est assez simple. Si l’on devait représenter la topographie, ce serait un électrocardiogramme. Ça monte raide, ça descend raide, c’est plat. Trois pics dans la journée. Voilà qui s’annonce merveilleux.
La première montée est tranquille, le soleil joue un peu, encore, à me faire des coups de chaud et des coups de froids. Mais, pour toute la journée je le sais déjà, mon cœur est en fête. Des montagnes, des petits villages pittoresques, des couleurs à ne plus savoir comment les décrire, du feu, des explosions, des grandes bandes de couleurs qui parcourent les monts et tracent ici des lignes, là des tâches jaunes, oranges, rouges. Je sais que j’ai le temps. Je sais que je peux m’arrêter pour profiter pleinement de ces paysages, de m’en enivrer si le cœur m’en dit. Je ne me prive pas. C’est un réel plaisir des sens. Vous marchez sur des aiguilles de pin fraichement tombées, et des feuilles multicolores. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. L’air embaume l’essence de pin. Les oiseaux chantent leurs odes à l’automne. J’en viens à me demander si les jours de ville ne sont pas fait que dans le seul but de nous faire apprécier ces moments de paix. Bien sur, vous ne trouvez pas beaucoup de personnes pour vous offrir des choses, mais quand la nature fait osetai, vous n’en avez pas beaucoup besoin.
Le temple 44 m’a donné une nouvelle perspective d’avenir. Il est vrai que guide touristique rapporte pas mal en terme de pourboires. Mais j’ai vu l’ouverture des caisses devant les temples ou chacun donne un petit truc, et je me suis dit que guide spirituel ça ne joue pas dans la même catégorie. Mais bon, ça laisse pas bien de jours de congé non plus. J’en parlerais à mon conseiller d’orientation au retour, juste après l’ostéopathe.
J’ai croisé les français, de retour du temple 45. Eux aussi profitent un maximum de la journée. On s’échange les adresses mails au cas où on aurait à se séparer pour plus longtemps, et je continue ma route, après une heure de bavardages. Je croise ensuite le henro de manga, qui me salue comme il se doit. Câlins, rigolades, encouragements, je continues ma route. Dernier col de la journée, il monte sévère mais je suis étonné d’arriver en haut aussi rapidement. Alors je me dis … Déjeuner ! Je le partage avec un japonais âgé, qui m’offre une mandarine, alors je lui offre un carreau de chocolat. Comme quoi osetai, c’est partout, même en haut des montagnes.
La ligne de crête, à couper le souffle. La redescente au milieu des arbres centenaires, magique. Les multiples voies au milieu de la forêt qui mènent toutes au même point, intriguant. Le temple coincé contre la falaise, mystérieux. Et puis enfin, un grand portail. Le temple 45. Perché sur ses falaises, à même le rocher, il domine toute la vallée, et expose fièrement ses feuilles d’automne. Je me serais bien arrêté un moment, pour profiter de l’instant, de l’espace, pour laisser naitre l’étoile au milieu du chaos, mais voilà. Deux cars de pèlerins d’un coup.
Pour le coup, ce temple est un calvaire pour eux car il est en haut d'une bonne flopée de marches et sur une bonne distance pour arriver en haut. Moi j’arrive d’au dessus donc pas de problèmes. Eux, ils expriment leur soulagement. Beaucoup trop bruyamment à mon goût. Je quitte alors ce temple transformé en foire, et je rejoins mon hôtel. Car oui, après quatre jours de privations, de froid, d’humidité et de repas sur le pouce, je m’offre un hôtel avec onsen. Déjà, parce que je n’exhale pas les parfums de fleurs et de rosée. Ensuite, parce que j’ai besoin d’un bon repos. Les prochains jours, je repars pour des huttes et des tsuyados, promis.