600 km à pied, ca use pas les souliers, ça les déglingue



Jour 20 on descend 


Lodge Camilla est recommandée un peu partout, par tous, et ça se comprend. Quand le patron arrive avec un curry sur du riz et qu’il annonce que le plateau à droite est pour le français parce qu’il a mis la dose de riz, vous vous dites que ce mec est génial. 

On a mangé avec une japonaise qui voulait s’entrainer à l’anglais, et qui fait le pèlerinage dès qu’elle a du temps. C’est son 5 eme tour. Je ne crois pas qu’elle a des enfants, parce que tous les week end doivent y passer.

Nous avions une petite journée une fois de plus avant d’attaquer les jours plus durs qui arrivent. Un petit 25 km en 6 heures donc. La journée nous promène sur la côte, entre les montagnes et l’océan. On s’est dit que c’était une bonne idée de se balader sur la plage mais très vite, le soleil tape fort. 

Susan est rouge comme une allemande sur la Côte d’Azur et pour ma part je suis bien bronzé comme les habitants d’un petit village entre Toulon et Hyères. J’enverrais des preuves en photo si je peux (mais je garde le tee shirt parce que en dessous, c’est blanc blanc blanc)

Cela me fait penser, parce que ce jour ne va pas être très grand en lignes, que les japonais ont quelques complexes intéressants. Ils acceptent de partager le bain de tout le monde, mais ne montrent que très peu de peau en dehors du moment douche. Même sur la plage. Et définitivement, ils ont un problème avec les toilettes. 

Sur une carte touristique, vous trouvez plus facilement les toilettes que les centres d’intérêts. Et peut être êtes vous au courant de leur toilettes qui vous lancent un jet d’eau pour bien nettoyer ce qu’il faut, mais si vous croyez que c’est là le maximum, vous vous trompez. Vous vous asseyez et c’est la fête. Le siège est déjà chaud, la ventilation se met en route, et vous pouvez mettre de la musique. Des oiseaux, des chansons (sans parole) n’importe quoi pour couvrir le bruit. Après vous avez le jet, le séchage et une chasse d’eau hyper longue. Une expérience inoubliable.

Enfin, on en oublierait presque de parler des choses sérieuses, j’ai vu un singe ! Impossible de le prendre en photo, le petit gredin faisaient des acrobaties dans les arbres et il était impossible à capturer net. Il y en aura peut être d’autres, nous sommes dans le sud sud du japon, et le climat est plutôt proche du tropical ici, la végétation ressemblerait presque à l’équateur. 
Nous sommes arrivés au temple en début d’après midi, personne, impeccable car il était refait à neuf il n’y a pas si longtemps que  ça. Mais à peine le premier sutra commencé qu’un car arrive, et l’endroit se remplit très vite. On arrive à faire passer ma calligraphie avant les autres, et on s’échappe vers les falaises, pour voir les coins sympas. Et c’était très sympa, en particulier cette arche en granit. 
Nous voulions aller voir le coucher de soleil sur la côte, qui est réputé dans le coin. Cependant, c’est l’hiver que l’on voit le plus beau, appelé Daruma. On se contentera d’un coucher de soleil banal sur l’océan, mais les nuages qui s’amoncellent rendent l’affaire compliquée. Comment voir le soleil se coucher et rentrer si les nuages sont là, avant l’obscurité totale donc. Il risque de faire sombre. Alors on demande aux gens qui nous hébergent, et il semble que pour eux ce soit encore plus compliqué. Certaines questions très simples peuvent prendre des proportions gigantesques ici, et soulever des tas d’autres questions que l’on ne s’était jamais posé. Après un quart d’heure de débats, le grand père à fait claquer sa langue et il a dit qu’il nous emmènerait. Un jap’ qui claque la langue, vous ne voulez pas le contrarier, je vous préviens. 
Le papi, je pense qu’il avait plus d’expérience dans la conduite de bateau que de voiture. Il m’a fallut prendre sur moi pour ne pas lui demander s’il voulait que je conduise. Ça aurait été peine perdue, puisqu’il n’entend pas bien et même Susan n’arrive pas à comprendre ce qu’il raconte, donc bon, j’ai serré tout ce que je pouvais serrer (les dents, les mains, le reste) et c’est passé. On n’a pas pu voir le fameux coucher de soleil, les nuages étant trop nombreux. On a vu une grande boule rouge disparaitre assez vite. Une autre fois pour le coucher de soleil. 


En rentrant, notre repas nous attendait, en compagnie du couple de français, de Kondo et d’une suissesse qui devait repartir dans trois jours en Europe. Il se trouve qu’elle partira plus vite que prévu car elle s’est fait une tendinite au genou, donc terminé. Elle reviendra l’année prochaine a-t’elle dit. Je vous laisse avec la photo du repas, sashimis avec ce que les filets ont ramené aujourd’hui. Un délice, vous vous en doutez.




 Jour 21 et on remonte



C’est un peu étrange mais c’est comme ça. Le temple 38 se trouve sur une pointe rocheuse, et il faut remonter les 25 derniers kilomètres pour trouver le sentier qui mène au 39. Mes amis avaient des plans différents pour la journée. Certains allaient faire 20 km et dormir où nous étions la nuit d’avant, Lodge Camilla. Susan voulait elle aussi un hôtel donc elle ne sera pas loin d’eux. Pour ma part, je ne saurais l’expliquer, je voulais du sauvage. Du cru, des sensations, de la vie. Alors j’ai fait mon propre plan. Les dépasser et finir dans une hutte, au pied du sentier de montagne.

Et des sensations, je peux vous assurer que j’en ai eu. Une averse torrentielle. Mon équipement de pluie a tenu le choc, mais il fallait bien tous ça. Pour vous dire, chapeau plastifié, poncho, veste gore tex, tee shirt spécial, pantalon storm proof, guêtres. Dès le départ, les chaussures se remplissent d’eau, par dessous. Mauvais signe. La tempête perd de sa fureur, il fait plus clair, je me repère un peu mieux, puis le ciel s’assombrit de nouveau et le déluge reprend. C’est étrange, c’est le même chemin que la veille, où nous avions apprécié la côte rocheuse, le singe, les falaises, les plantes tropicales, … Sauf que aujourd’hui, les vagues s’écrasaient violemment sur les pierres, envoyant les embruns voler à plusieurs mètres de hauteur, les singes ont été remplacé par les crabes et les vers de terre, et que les arbres tropicaux ont une fâcheuse tendance à concentrer la pluie, pour créer des gouttières naturelles. 

Tout aussi étrange, alors qu’il nous a fallut 6 heures pour faire notre chemin de la veille au soleil, j'ai pris, dans des conditions dantesques, 7 heures pour faire le même chemin plus 6 kilomètres. Et si l’on peut facilement se sentir touché par une certaine forme de mystique dans un temple, ou une allée d’arbres centenaires embrumée, cette impression de foi est décuplée lors d’épreuves comme celle ci. Vous n’avez que ça pour avancer. Il pleut trop pour utiliser quoique ce soit (carte, appareils électroniques, bancs), aucune hutte ne vous procure un sentiment de calme ou de réconfort, personne ne s’arrête, sauf quelques voitures qui crient “gambate !” ce qui est une forme d’encouragement (bats toi!) mais qui referment aussitôt les vitres, personne dans les rues. Tout cela, vous devez le trouver en vous, pas le choix. Et quand votre naturel revient, pendant les accalmies, pour vous faire profiter d’une sensation de sec et de chaud, une trombe d’eau vous ramène en vous, chercher le soleil, plus permanent, plus lumineux même. 

 

J’ai pris des provisions pour la nuit et le lendemain dans le seul magasin de la route, à 5 km de ma destination. je me suis installé dans ma petite hutte, ouverte aux quatres vents. Un vent chaud vient de chasser les nuages bas, je pense avoir droit au soleil extérieur demain. Et je sais enfin pourquoi mes pieds sont mouillés. Mes chaussures, fidèles servitrices, après un an et demi de bons et loyaux services, viennent de rendre l’âme. Le goudron aura eu raison de la semelle, deux trous béants au talon. La logistique en France viendra sûrement à mon secours, sinon, je crois que je ferais bien de retenir le chemin qui mène vers le soleil intérieur. Il pourra me chauffer les pieds au besoin !

 

Aux quatre coins de Shikoku qu'on va la retrouver ma chaussure, éparpillée par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m'en fait trop, je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile !

Mouillé, mais heureux

Furansua




Jour 22 


On ne dort pas forcément très bien sur un banc en bois, mais quand on a sommeil ça passe. C’est juste pas super pour le dos. Une nuit sur deux, ça pourra le faire ! En plus, il y a plein de gens gentils qui vous donnent des bonbons, des kakis, des pâtisseries, … C’est pas mal. Je me lève avec les oiseaux, qui m’annoncent gentillement que le soleil est en train de se lever, et pour lui faire payer sa fourberie de la veille, je décide de partir avant qu’il n’arrive. C’est tout de même beau de marcher au milieu de cette nature qui s’éveille. 

Les belettes qui rentrent de la chasse, les écureuils qui vont chercher les noisettes cachées la veille, les oiseaux qui chantent pour se réveiller. Il y a aussi les paysans, qui profitent de la fraîcheur pour s’activer dans les champs. Ma petite course avec le soleil n’aura pas duré longtemps, voilà qu’il arrive par dessus les montagnes derrière moi.

 

En parcourant la côte et ses vagues déchaînées, j’en avais presque oublié mon élément, la montagne ! Marcher au milieu de ses sommets verdoyants m’a fait oublier le mal de dos et les chaussures déglinguées. Peut être avais-je vu trop grand pour aujourd’hui.

Je n’ai pas fait de pause à onze heure (quand vous prenez le petit déj à 5h30, vous avez faim tôt) je croyais pouvoir atteindre une hutte vers les midi. Pas de chance, je marche en regardant la rivière qui s’écoule gaiement en contre bas, pour oublier la route et ses camions et voilà. Manqué la hutte. Alors on avance encore, et encore, et je sais que ma seule option sera de manger dans le temple, dans un coin de jardin. L’arrivée au temple 39, j’avais la musique de rocky dans la tête, trop fier de moi. 27 km en 6 heures, et presque pas mal nul part (mal partout en fait, mais quand vous atteignez un but, soudainement, vos muscles se radoucissent)

Je prie, je fais ma calligraphie et au moment où je vais reprendre mon sac, je tombe sur une folle. Mais une vraie. Elle débitait en japonais, se rapprochant de moi pas à pas, jusqu’à venir à 20 cm de moi pour me débiter des trucs que je comprenais pas. J’ai tenté un nihongo ga wakarimassen, et je me suis dis qu’elle ne parlait pas japonais non plus parce qu’elle envoyait encore plus de mots à la seconde. Une mamie est arrivée, et elle a été prise au piège à son tour, j’en ai profité pour prendre mon sac et fuir, me reprendre un petit 6 km avant une hutte pour mon repas. J’y ai rencontré deux japonais très sympas qui venaient de se rencontrer, l’un en habit “officiel” et l’autre en old school, mais très old school. Les sandales de paille m’ont impressionné,  il m’a dit que les montagnes ça allait, mais le goudron lui pétait les genoux. Et j’ai approuvé, connaissant très bien cette sensation.

 


Je vous laisse sur ces mots, je vais me reposer dignement. Je compte sur vous pour m’apprendre plein de trucs sur votre vie en message privés, je les lirais quand j’aurais internet.

A bientôt

Furansua








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0 Commentaire

  1. Bonjour Mon amis,
    ce matin reveille à 6h pour la fac, un regard par la fenetre 10cm de neige super je n'ai pas les pneus neige, je fais chauffer mon bol de chocolat, j'allume la tv et je regarde la 10 le Quotidien avec Yann Barthès spécial élection americaine et je vois TRUMP sur le point de l'emporter! Grosse journée de merde! j'ai envie de me recoucher mais je ne peux pas! la route se passe bien pas trop de casse (3voitures dans le fossé) la mienne sa tiens tant mieux! j'arrive à la fac me pose et d'un coup gros ralebol! du coup je préfère t’écrire pour mieux me reconcentrer ^^ tout vas bien! et j’attends ton retour pour les photos!
    Parfaite ta description des toilettes ^^

  2. De Josée Robert
    Salut Ami pèlerin !
    J'hésite … dois-je t'envier( plaisir de faire la route, rencontres, beauté des choses,mystère de la Foi,etc…) ou dois-je te plaindre ( mauvais temps, estomac à l' envers, chaussures HS, kilomètres en plus, etc…) ?
    Non , décidément , je ne te plains pas , je t' envie plutôt !
    Tu t'es lancé dans ta quête du Graal ,et tes commentaires laissent entendre que tu t'en approches à travers la satisfaction de la réalisation de la chose rêvée !
    Lire ton blog est un vrai plaisir , il ne faut pas nous en priver, et donc tu dois continuer ta route sans faillir !
    En guise d' encouragement à poursuivre je t' adresse cette citation d'Eleanor Roosevelt:"-Les seules limites de nos réalisations de demain, ce sont nos doutes et nos hésitations d’aujourd’hui"
    Amitiés du " petit village entre Toulon et Hyères" et à plus

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