jour 28 29 30 31, du moins bien, et du pas pareil

Jour 28 Gros coup de moins bien





Bon, j’aurais dû m’en douter aussi… La veille, j’appelais pour réserver un hébergement. Je me préparais deux petits jours en montagne avant de redescendre vers la ville. Mais voilà, le logement en temple fermé, la chambre d’hote complet, l’hotel complet, le ryokan fermé, … Obligé de pousser très loin pour dormir quelque part de chaud, puisqu’ils annoncent des températures glaciales. Et pour ce grand jour, j’ai la pluie pour commencer !









Elle me quitte assez vite cependant, comme annoncé par la météo. Mais je dois affronter les 23km de route nationale qui montent doucement. J’avais une petite rivière il y a deux ans, c’est un torrent boueux, avec les preuves de sa colère, arbres arrachés, glissements de terrains, … Rien n’y fait, c’est pas le jour. Et pour couronner le tout, la pluie se remet à tomber ! 






Pas moyen de trouver un endroit sec pour me poser et manger à midi. Je me dis qu’après le sentier de montagne, je serais dans un temple et je pourrais manger au sec. 14 h temple 44, pas un endroit couvert … Ce temple si beau avait perdu son ginko majestueux, les feuilles étaient tombées à cause du froid, rien n’allait. Alors je grignotte debout sous un auvent un peu éloigné des temples principaux, puis je me remet en marche. Qu’on en finisse ! Je tombe sur un arrêt de bus, et je constate que je suis entre deux crénaux et que j’ai 2h à attendre dans le froid avant ma prochaine destination. Alors je marche. Ma jambe droite me fait souffrir, mais je marche. Et j’arrive enfin à un onsen. Bel endroit, cher, mais le seul ouvert et avec de la place. Je jette mes affaires et me jette dans le bain chaud, dans lequel je trempe une bonne heure et demie. Puis je descend pour avoir internet un moment, pour briser la solitude. Parce que oui, depuis le temple 28, je marche seul. Eponine est rentrée en France à l’heure où j’écris ces lignes, Morgane est en Australie, et je n’ai pas croisé de Henro Kondo, d’allemandes ou de couple français…










Mais qu’est ce que j’entends ? Un accent anglais bien français ?! Je descend pour trouver un couple de lyonnais en pleine discussion avec un couple de Singapour. Je me joins à eux une bonne heure, satisfait de briser les discussions avec moi même. On parle de tout et de rien, de shikoku, des beaux temples, de nos vies. Ils partageront même le diner, et on termine cette soirée assez tard. Ça m’a fait un bien fou de croiser des non-japonais ! Ça faisait longtemps que je n’avais pas aussi bien dormi d’ailleurs ! Comme quoi nous sommes des animaux sociaux. Ichi go, ichi é !





jour 29 Tout le monde descend !





Je me lève assez tôt puisque le petit déjeuner est entre 7h et 8h. Et le temple 45, que je n’ai pas eu le temps de voir la veille est à 3 km, et il ouvre à 7h. 6h25, sans le sac, je pars à la fraiche cueillir le jour et faire ma calligraphie. Avec le lever du soleil derrière soi, c’est toujours plus sympa. Ce petit coin de Japon ne manque pas de charme il faut le dire.






 Des pics rocheux s’élançent vers les airs, défiant les nuages. Ils sont érodés de toutes parts, mais ils résistent, au milieu des érables rouges. 








Je suis de retour à 7h30 pour le petit déjeuner. On allume le feu sous mon petit barbecue personnel pour griller mon beignet de poisson pendant que je me sers mon café et que je tape la causette avec … des suisses ! Décidement, ils étaient tous là, les gens que je devais rencontrer. Ils voyagent en voiture, de passage par Shikoku avec de filer vers Kyushu. Intrigués par mon parcours, ils me posent cent questions sur le pèlerinage et ses pratiques. J’avais prévu de partir vite, mais bon, je ne leur en veux pas et loin de là. Je ne sais pas quand sera ma prochaine discussion en français !

Je voulais partir tôt car je n’étais pas bien sur de mes tendons de tibias (je ne sais pas comment il s’appelle le tendon entre la cheville et le tibia, et j’ai pas google pour m’aider…) et je voulais faire des pauses. Mais au final, la marche se passe bien. Très calme au début, puis on rejoint une petite ville pour la grosse descente vers le temple 46, et là… Je comprends maintenant pourquoi les logements étaient pleins, c’est week end de 3 jours au Japon ! 









Alors tout le monde sur les routes, qui la plage qui la montagne, pour profiter d’un moment en famille. Au milieu de ce trafic dense, une petite dame m’attend. J’approche et la salue, elle me retourne les salutations et m’invite à la suivre. Elle s’est aménagée une petite pièce ossetai dans sa maison, avec thé café, madeleines à la clémentine… Quand la discussion devenait trop dure pour moi, elle sortait un traducteur de poche et en avant ! Elle m’a donné une adresse sympa dans un endroit où je ne savais pas où dormir, puis on a fait des photos qu’elle enverra à son copain qui pourra me les passer sur facebook. Une bonne pause de 30 minutes qui recharge les batteries à fond et qui fait passer le mal au pied !

Puis vient la sortie de route, et le chemin qui fait passer de 650m d’altitude à 300 en 2 km ! Attention les genoux. Mais cette escapade forestière est la bienvenue elle aussi. Je m’étais même arrangé un repas italien. Tagliatelle carbonara froide et pizza roll froid. Il me manquait le limoncello mais bon, on fait avec ce que l’on a. La vue me montre au loin un monstre ou une merveille, Matsuyama, plus grande ville de l’île, qui s’étend à perte de vue. Il me faudra pourtant bien la traverser. Mais je n’y suis pas encore !




En attendant, il y a un paquet de temple à traverser, et on commence par le 46. Un temple avec beaucoup d’arbres très vieux, qui prennent le pas sur les bâtiments. Puis le temple 47, dans lequel j’ai vexé le monsieur des calligraphies car en rentrant dans l’office, j’ai poussé un cri en voyant deux chats aux poils longs qui dormaient là, dans des cartons au chaud, avec des croquettes offertes par les gens qui visitent le temple et qui font des donations. Après une bonne séance de caresse, je passe mon livre au monsieur et je lui demande pour le tsuyado. Il me dit qu’il y a déjà quelqu’un mais que c’est bon. Un mystérieux japonais qui arrivera bien plus tard, il est aux courses. Alors je me pose et regarde mes jambes …







Un truc rouge et enflé au dessus de la cheville … Alors que ça allait mieux, que ça ne faisait plus mal, c’est en réalité en train d’empirer ! Tendinite certainement. Je me prépare un jour de 15 km demain pour reposer tout ça.





Puis quelqu’un d’autre se pointe dans le petit préfabriqué, le couple de singapour ! Ils sont venus en bus depuis le temple 45, et il s’avère que c’est plus long qu’à pied !!! On a encore plus le temps ce coup ci, alors on compare les sagesses bouddhistes avec les penseurs occidentaux. Je vous en donne quelques bribes : Quand tu marches, et que d’un coup, tu ne penses plus à rien. Qui est ce qui marche ? Est ce que c’est encore toi, ou est ce que c’est le vide qui prend les commandes ? Car le vide est Dieu. Si on nomme quelques chose, si on dicte les lois de Dieu, si on distingue ce qui est bon ou mal pour Dieu, est ce qu’on le limite, et donc on le détruit ! Il n’y a que rien qui peut tout. Et Nietsche disait qu’il fallait avoir le chaos en son sein pour pouvoir faire naître une étoile alors qu’il tuait Dieu. Et Descartes nous disait que ce n’est pas parce qu’on ne peut pas enlacer un arbre que l’on ne peut pas en deviner le contour. Et que cette part de mystère, cette part de “rien”, n’est peut être que Dieu lui même, vraiment. Je vous laisse là, parce que le japonais est rentré, et c’est mon pote qui fume 5 clopes en se levant de Susaki ! (vous suivez au moins?!) Ce campeur de l’extrême voulait épargner son réchaud au gaz en faisant marcher une bouilloire qui se souvenait sûrement de l’explosion de la bombe sur Hiroshima tellement elle était vieille. Et après un bon quart d’heure de tentatives infructueuses, il a finalement accepté d’aller dehors pour faire chauffer son eau. 

Et pendant ce temps, on s’est dit qu’il allait pas faire chaud. Le logement n’est pas isolé, comme toujours, mais pas chauffé non plus. Je dormais dans la petite partie cuisine, alors que les grands se partageaient à trois l’autre grande pièce. J’ai placé des couvertures à toutes les ouvertures, j’ai placé un panneau devant la ventillation, rien n’y fait, j’ai froid. Alors je rentre dans le sac de couchage salvateur, et je m’endors assez peu puisque les 2 monsieurs font un concours de ronflement dans la pièce d’à côté …







Jour 30 Un tsuyado pour 75 personnes




Oui, il a fait froid. Je me suis hissé hors du sac bien contre ma volonté parce que les gens voulaient de l’eau, qui était de mon côté. J’aurais bien attendu l’été dans mon duvet … Mais quand faut y aller ! Comme bien souvent, je pars le premier en me levant le dernier. Mais j’ai un temple supplémentaire dans 15 minutes, alors ils me rattraperont sûrement. Surtout que mon petit programme plait aux singapouriens. Une petite scéne comique dans ce temple, au moment des calligraphies, un chat saute sur le bureau et manque de faire déraper la dame. Mais tout ça termine en bonne rigolade, car elle avait l’air d’avoir l’habitude, et le livre du monsieur n’a rien. En même temps, pour prendre la défense du félin, le soleil se lève. 




Et les premiers rayons réchauffent la terre qui a gelée ! Oui oui, gelée. Pas le temps à mettre un pèlerin coucher dehors, et pourtant. Mes amis me rattrapent, et on part ensemble vers les temples 48, 49, 50 et enfin 51. Oui, ça s’enchaîne sec ! Juste le temps pour réviser mes Bouddhas avec Jasmine, ou à comparer les prix des voitures incroyables à Singapour avec son mari. Regardez sur internet c’est flippant ! Les temples se suivent et ne se ressemblent pas, plusieurs ambiances bien différentes, mais le 51 sors du lot. Déjà, parce que l’on mange des udons en entrant. Ensuite, parce qu’il est énorme ! Après nos prières, on y trouve une grotte à demi dans l’obscurité (parce que quand on allume comme un français à bouc, on y trouve des gros scolopendres sur les murs) avec des petits bouddhas de partout et à la fin, on y trouve un rocher sculpté par l’eau, et une sortie sur … une route ! 





Moins mystique d’un coup, alors on y retourne pour trouver une petite porte que l’on avait raté à l’entrée et des très belles peintures sur les murs, un petit temple souterrain et une sortie sur le temple de Kukai, qui semble laissé à l’abandon. Il était ouvert pour une fois, et l’intérieur est noirci, les tentures n’ont plus de couleurs non plus, les vases sont couverts de poussière, … Comme une envie de dire, maintenant que c’est ouvert, est ce qu’on en profiterait pas pour nettoyer tout ça ?

On demande ensuite notre tsuyado pour la nuit, et surprise, on nous emmène assez loin du temple (en passant par une partie musée payante avec des sculptures de maitres indiens) pour arriver à un bâtiment immense. Il sert de rangement certainement, avec des dizaines de cartons dans les couloirs et dans les pièces qui ressemblent à un film sur la seconde guerre mondiale (j’ai fouiné un peu ^^) mais notre dortoir est à l’étage, avec une pièce couverte de tatami, de ce qui pouvait être un dortoir de moines à la grande époque. On a de la place pour une cinquantaine de personnes en se serrant pas trop. Mais la grande époque n’est plus. Il manque des vitres, le plafond fuit et seulement deux lampes fonctionnent. Pour l’ambiance, ça vaut le coup. 







On part ensuite découvrir un peu les alentours. On termine par un bain de foule dans un marché couvert, puis un onsen un peu plus privé que le fameux dogo onsen prit d’assaut par les foules de touristes. Et dans cette galerie, on y trouve des tonnes de restaurants. On se laisse tenter par une échoppe en hauteur, dans lequel on a une chance folle car on entre et on s’installe. Après nous, les gens doivent écrire leurs noms sur un papier et attendre dehors qu’on les appellent pour venir manger ! Et certaines files d’attentes sont impressionnantes ! On prend alors une sorte de fondue, un joli plateau avec un poisson coupé en tranche, qu’il faut prendre avec les baguettes, et plonger dans la soupe bouillante pour y faire “Chabu Chabu” En gros le plonger dans un sens et dans l’autre, d’où le son “Chabu”. 







Le poisson se transforme alors en petite boule un peu dure, qu’il faut plonger dans une sauce et manger. Il y a aussi du riz que l’on arrose de thé et de sauce soja avec du poisson frit, des légumes et tout un tas de bonnes choses. Je me suis même pris une bière pour accompagner ça, puique c’est la première rousse que je croise et je ne sais pas résister aux rousses.

Repus et propres, on rentre dans notre hébergement de nuit pour y trouver qu’il fait pas chaud ! Je me suis construit un fort avec des tables et des couvertures, pendant que mon ami montait la tente ! Une bonne nuit de sommeil après une petite journée.







Jour 31 nouvelle séparation








Le réveil fut assez normal. J’entends par là, le grand froid était passé, il ne faisait plus que normalement froid. Je démonte mon fort un peu à regret et mon compagnon démonte la tente. On se retrouve à 7h devant le bureau des calligraphies pour donner notre avis sur le tsuyado, mais pas de Jasmine. Monsieur part chercher madame. Et revient, sans madame. Puis repart, puis revient avec. 30 bonnes minutes d’attentes dans le froid… Qui a dit que marcher tout seul c’était pas bien ?! Puis on se met en route. Mais mes jambes ne me font plus souffrir (je ne sais pas ce qu’il y avait dans ce pansement qu’une japonaise à offert à Jasmine et qu’elle m’a passé, mais il marche du tonnerre ! Sagesse japonaise ou morphine, on ne saura jamais on ne sait pas lire ^^). C’est une bonne chose, car je veux m’échapper de cette ville avant que la pollution et le bruit ne me fasse devenir fou. Mais mon couple d’ami n’avance pas aussi vite que le couple de français de la première fois ! Le pire, c’est qu’ils finiront avant moi parce qu’ils doivent se rendre à un mariage dans 10 jours. Donc ils vont prendre les bus et le train. Mais moi non, alors je les quitte à un supermarché. C’est moins sympa que le tunnel des adieux avec pépé, mais ça n’enlève rien à cette très belle rencontre. 






Après échange de calins (ce qui a dû choquer le Japon en entier) on se dit adieu. Et je reprend ma marche rapide pour quitter les centres commerciaux de Matsuyama. Direction le temple 52, un peu perché puis le temple 53 tout proche. On se retrouve dans une sorte de campagne/ville japonaise, avec des lotissements et des champs de riz et de radis daikon, une atmosphère un peu plus paisible. Puis l’on rejoint une grande route, que l’on quitte de temps à autre pour un petit bout de côte, ou de centre village, puis que l’on retrouve, et que l’on abandonne pour la journée avant une montagnette de 200 m, toute mignonne.




 Et mon but pour la journée, un temple de daishi laissé aux pèlerins. J’arrive un peu tôt, alors je m’installe devant (c’est marqué que c’est à partir de 5h qu’il faut demander la permission). Et je vois arriver, le japonais campeur ! Il n’attend pas, il part demander au maitre des clés son aval, et nous sommes autorisés à partager ce petit coin de paradis. Mon ami fait des prières alors que j’écris mon blog. On mange un bout de repas, il fume 5 clopes alors que je lis les enseignements de Bouddha puis il s’installe sur des coussins alors que je gonfle mon matelas. Deux pèlerins, deux versions, le même sommeil de plomb. On éteint les feux pour les 10 prochaines heures !




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0 Commentaire

  1. Pour’le Coup je ne sais pas quoi écrire! Je n’ai pas les mots! Une aventure incroyable et des rencontres inoubliables! Je ne peut envoyer que du courage et toute la force nécessaire pour finir ton voyage ! Pour les bobos pense juste à masser ta cheville avant et après la marche ! Faut que tu chauffe ton tendon pour qu’il soit moins douloureux ! Des bisous

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