La fin de mois

Tous les matins du monde
Le lendemain du barbecue etait annoncé difficile. Pas manqué c'était difficile. Surtout que mes potes volontaires ont oublié de venir m'aider pour les feuilles. Ça vous fait tomber une gueule de bois rapidement de balayer les feuilles à 5h. On a ensuite eu droit à une nouvelle répartition des tâches, moi aux chambres, et eux trois au onsen. Ma seule peur était qu'ils finissent plus tôt que moi et viennent "m'aider". Mais nishida san débarqua et on plia les chambres niquel. Ensuite, on a eu droit a hajikan. La méditation zen, mais chez les shingons. Le fuku jushoku (je dois encore dire vice chef ou vous suivez si je dis fuku jushoku ? ^^) était à la manoeuvre, dans la pièce a cérémonie dans l'hôtel. Il m'a donné deux trois explications en anglais de manière très sympathique, puis on s est concentré sur notre place dans l univers. Il y a beaucoup de chose plus grandes que moi, beaucoup de choses plus petites que moi, où suis-je ? Le problème n'était pas philosophique pour moi, mais bien physique. En shingon, on sépare la gauche, moi le non propre, la jalousie, l'envie, tout ça et bouddha à droite, le pur, et le reste. Donc il faut mettre la jambe droite sur la jambe gauche. Et bien croyez moi, mon coté pas propre ne s'est pas laissé faire ! Impossible de garder la position normale, donc je suis repassé en tailleurs pour la dernière demi-heure. Et quand le fuku jushoku est rerentré dans la pièce, même les yeux fermés je savais qu'il avait remarqué ma position. À la fin, alors qu'on avait les yeux ouverts, il a moqué ma souplesse et a devoilé l'arme ultime, la latte de bois. Il a dit qu'en voyant ma position, il avait eu envie de taper non pas avec le plat, comme de coutume, mais bien avec le tranchant de la latte ! ^^
Un beau bazar

 


On est allé ensuite dans le temple pour un cours de taiko. Les japonais sont passés avant moi, et ils n arrivaient pas à faire le tokodokotokotokotokodoko. Arrive mon tour et bim, parfait. Dans ma tête, ca faisait un DEUX trois quatre un DEUX trois quatre. Et c etait plus facile que tokodoko ^^.

Les volontaires partaient un par un, qui pour tokyo qui pour kyushu, retrouver leur boulot normal. Ils auront tous un mot sympa en partant, et ils l auront tous dit au chef, le ptit français il bosse beaucoup, et bien. Et ca m'a fait plaisir. 
Plus d œuvres de kondo sensei

 


Le jushoku ensuite il m'a dit de debrousailler l entrepot. Des lianes recouvraient tout, partout, et il y avait là quelques monticules qui m'inspiraient rien de bon. Et sous ma lame, des merveilles. Des tuyaux en beton ou en plastiques, assez pour refaire les égouts d'une ville de la taille du Caire. En attaquant les dunes, j'espérais trouver un arbuste et BIM ! des pierres... pareil, de quoi construire une nouvelle muraille sur les côtes japonaises en cas d'invasion mongole. J'ai posé la question de l'usage de ces pierres au jushoku, et il m'a fait rire. Il a levé les deux avant-bras baissé la tête et fait prr, construire un mur ? C est une chose qui marque quand vous êtes avec les japonais, c est qu on dirait des personnages de manga. Les reactions sont démesurées, les gestes évocateurs. Si on chercher un mot ou un nom par exemple, on pointe l index sur les sommet de son crâne et on ferme les yeux. Si on parle de nous même, on se touche le nez avec l index. Si on trouve quelque chose tres bon, on sursaute violemment, on ouvre grand les yeux (oui, meme les japonais) et on fait OÏSHIIIII !!!! Ou encore les onomatopées qui sont des mots. Un jour le fuku jushoku dit au jushoku tu trouves pas que le pin il est wobla wobla ? Le jushoku secoue le pin et il etait wobla wobla il perdait ses épines quoi. Ca m arrange parce que je peux raconter mes histoires comme ca. Genre un jour j etais a la montagne, et il a fait un typhon eclair. Genre 2 minutes de chaos. Et ben j ai pu dire "je debroussaillais quand BRRAAAAAA PLUIE. Donc je rentre me mettre a l abris dans la cabane, je ressors et REBRRRRRAAAAA PLUIE !" et ils comprennent bien ^^.

On voit la fin, encore quelques heures !
Le petit dej de champion, beurre cacao !

 


Je me suis rendu a mon premier cours de badminton également. J arrive sur les lieux du crime, plein de jolies japonaises qui sortent des voitures, mais pas de sac de sport, juste un mini sac. Je demande à un monsieur qui faisait son jogging, il me confirme que c est bien un gymnase, donc j attends. Mais ce meme monsieur revient et me dit c est pour du badminton ? Je dis oui et c'était pas là, c'était du ballet ici. N'empêche j ai jamais eu autant envie de danser moi. Le monsieur m'explique comment me rendre à mon gymnase mais ya des travaux, je comprend pas tout, c est a 3 km, ... il saute dans ma voiture et me dit copilote. En avant. Sur le trajet ( on se traine sur les routes au japon !!!) on parle de moi, de lui, de henro, tout ca. Puis on arrive. Je lui dis que je vais le ramener mais il me dit que ca lui fera un entrainement supplementaire. Je lui offre alors les mandarines protocolaires de shikoku, et le regarde s en aller dans le noir. Ce n etait pas motivé par la religion son acte, je n etais pas henro. Pas financier. Juste de la pure gentillesse. Incroyable. 

Le cours de bad etait tres sympa lui aussi. Une prof et une dizaine d'élèves, de 10 a 70 ans. Pour l'échauffement on m a mis dans le dur avec une minette, drive, rush, amortis, shadow, et petite seance de smashs. C est normalement ma force, la elle renvoyait tout sans broncher. Ensuite la prof decidait des matchs, qui jouait contre qui, en simple en double ou en mixte. On commence le match en s inclinant et en disant onegai shimasu (sil vous plait) on tire les equipes au pierre feuille ciseaux, et on dit merci quand on a terminé. Je suis tombé pile sur mon niveau en fait, avec 2 personnes largement au dessus, donc bon pour la progression. 




J'ai aussi impressionné le chef avec mon rangeage de bois. Il fallait charger la camionnette avec du bois tronçonné la veille, le monter au temple, manoeuvrer comme on pouvait pour l emmener pres de l atelier et en faire une pile. En 4 voyages, j ai cumulé des buches à bien 4m de hauteur sur 5 de large. Comme quoi l entrainement en france aura payé !!! La Crau si tu m entends, mon tas ne chutera pas !
Faut passer en mode 4×4 pour avancer mais ca passe
Le truc blanc en bas a gauche, c est la camionnette !

 





On vit aussi des choses bizarres parfois. Samedi, je nettoyais les toilettes, et pouf, 15 minutes plus tard j etais dans une pièce avec pleins de costards et le jushoku en costume d'aparra. Je venais assister a une coupe de ruban pour l inauguration d un truc. J avais pas de chaise puisque le jushoku n avait prevenu personne. Je pouvais donc assister a des scenes comme on peut en voir qu au japon, comme une dame en tailleur, haute placée dans la hierarchie, qui remet en place le noeud de cravate du maire en le grondant un peu, phenomene que j ai deja pu observer au japon, les mères sont les mères de tout le monde ! Ou alors deux personnes qui se croisent dans un couloir, qui croient que l autre veut quelque chose alors on s arrête, on s excuse, l autre s excuse, moi, vous, non ? Pardon, desolé, ahah, encore pardon, vraiment désolé, ... 

J ai aussi vécu une scène irréelle du chef de la police d'imabari qui faisait le théâtre, tout seul derriere des petites fiches. En mettant l accent pour faire le méchant, ou la mamie, ou le petit enfant, ... tout ca pour prévenir des arnaques au telephone. Il me demandait a la fin si on faisait pareil en france. Je me suis imaginé christophe castaner imiter une vieille, et ca m'a fait rire. 

 


Le maire d imabari est venu me parler aussi, en voyant que j etais tout seul. Il commencera avec la forme polie, que je ne comprend pas, puis passera sur la forme normale pour qu on echange deux mots. J ai trouvé l initiative très sympa. 

Le soir même, j ai eu droit a un discours du fuku jushoku sur les henros étrangers. J'avais demandé pourquoi ça les blessait tant que des gens ne viennent pas aux ceremonies du matin. Je savais que c'était obligatoire, mais je percevais que c'était plus profond qu une simple infraction a un reglement. Au 17ème siècle, le japon connait une grande periode paix, qui voit enfin les deplacements possibles entre les regions. C'est la que le pelerinage prendra son essor. Tout simplement, on peut se deplacer, on a un peu de sous et du temps, mais les frontieres sont la, tres nombreuses et pas faciles a traverser, sauf pour les henros. Donc on en profite. Le manque de migration aura aussi atteint les temples, puisqu aucun n'a la même vision de la religion, même si c'est la même fondamentalement, de plus les langues ne sont pas les mêmes entre les regions donc on ne se comprend pas, la culture diffère... mais shikoku opérait deja une magie blanche, et tout le monde faisait le tour tranquillement (sauf ceux qui calanchaient sur le chemin) ils pensent aujourd hui que le même scenario opère avec les etrangers. Que malgré les difficultés, le coeur passera et la paix régnera. En offrant gratuitement une piece fermée pour dormir et un bain chaud, ils gardent l'esprit de shikoku intact. Ils demandent en contrepartie d assister a la ceremonie le matin. On peut prier qui on veut en son coeur, christ bouddha allah sa mere ou son chat, l important c est de partager un moment ensemble pour le sacré, pour tout ce qui est beau. Ceux qui ne le font pas rappelent donc que pour certain ce n est qu une ballade de plus. Et ca fait mal. 

Dimanche j ai une l aide de Sakaï san, qui porte bien son nom parce qu il a pas fait chaud (meilleur blague du post) il bosse tres bien lui par contre, il est resté a senyuji 6 mois comme moi donc il savait ce que je traversais. Lui avait un jour de congé hebdomadaire, mais on y reviendra. Il m a parlé de hip hop japonais, qui ressemble fort a public ennemy, alors je lui ai fait ecouter ntm et iam, et pendant l ecole du micro d argent, je l entends crier a côté de moi, qui conduit. Je me dis il est a fond dedans. Puis il bouge bizarre. Je me dis il est trop a fond. Et j entends BBZZZZZZ. Un mega frelon de la mort sous ses pieds. J arrete la voiture et on sort tous les deux en hurlant. L engin sortira sans plus de dommage. Plus de peur que de mal. 
Beau boulot !

 


Le soir meme, j ai fait ossetai de pâtes bolo a un allemand qui dormait en tsuyado et qui n avait que des saucisses froides a manger. Je me suis dit qu il vivait le stereotype, alors je l ai invité. On aura parlé pres de 3h. Il est japanologue, et aime dragon ball. On aurait pu faire shikoku ensemble que l on aurait encore des choses a se dire. J ai ce role particulier avec les henros etrangers. Une sorte de soupape d anglais, pour qu ils me disent ce qui les chagrine le plus, ce que les emerveille... j ai pas beaucoup de temps, mais je rencontre beaucoup de monde tres interessant. 

Je finirais avec ceci. J ai eu ma premiere paye, des mains du chef, dans une petite enveloppe tout en liquide. Lors de la remise, il fera l eloge de mon boulot, et je ne saurais pas où me mettre. Mes predecesseurs n aidaient pas autant, et il apprécie mon esprit altruiste, et combattif. Je dois encore faire des progrès en karate pourtant. Une fois par semaine, 100 coups de poings, 100 coups de pieds. Assouplissements, pompes et abdos. Oui chef. 

Enfin, il me dira que l on ira faire shikoku ensemble, en voiture. Un jushoku et son shugiste francais. Une premiere surement. Et j ai hate de me lancer dans l aventure. 

Mais l aventure attendera... ce matin, la mere du jushoku est partie rejoindre bouddha. Ce sera une journée grand nettoyage, avec une veillée autour de la maman, qu on a installé dans une piece du temple. Beaucoup de monde vient se recueillir, mais pas de pleurs pour l instant. La mort n est pas si triste que ca ici manifestement. La cremation aura lieu demain. Je vous en dirais plus d ici la. 
Profitez de la vie avant de devenir bouddhas vous aussi ! Dans longtemps hein. On est pas pressé quand même !







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